Yoga fonctionnel : approche novatrice ou définition tendance ?

Article by Virginie, professeure de yoga à Reims. 

Formation 200h Reims 2025

Tout professeur de yoga ou élève quelque peu assidu n’a pu passer à côté du phénomène « yoga fonctionnel » sur les réseaux sociaux entre autres. Qu’est-ce que le yoga fonctionnel exactement ? Mais surtout qu’apporte-t-il vraiment ? Est-ce que nous devons tous tendre vers cette approche ? 

Qu’est-ce que le yoga fonctionnel ?

Le yoga fonctionnel ne se veut pas être un style à part entière mais il se définit plutôt comme une approche dans laquelle le respect du corps et de sa capacité de mouvement est mise au centre de la pratique. Concrètement, les postures sont explorées :

  • avec une vision à 360° des postures et des transitions associées : posture / contre-posture, mouvement concentrique / excentrique…

  • en fonction de la singularité des corps, prise en compte pour adapter éventuellement la posture en fonction de chacun

  • à travers le ressenti de l’élève dans chacune des postures

En ce sens, ce yoga se veut davantage « physiologique ». L’idée est de présenter une exploration logique et respectueuse de notre physionomie en considérant avant tout la fonction de notre corps.

Quelle est la fonction de notre corps ?

Que veut dire fonctionnel ? 

La fonction, en terme anatomique, c’est le “à quoi ça sert”.

A quoi serventt les jambes ? A marcher, courrir.

A quoi sert la mains ? A manipuler, sentir, communiquer.

A quoi sert l"épaule ? A diriger le bras dans l’espace…

Si le yoga fonctionnel se veut plus respectueux de notre corps en recherchant à entretenir sa fonction il est alors légitime de se demander à quoi sert notre corps.

La réponse évidente est alors de nous maintenir en vie, et tant qu’à faire le plus longtemps et surtout dans de bonnes conditions.

Bien évidemment, on ne va pas faire la liste exhaustive de tout ce qui rentre en compte pour atteindre ce but. Nous allons nous concentrer sur ce que peut apporter le yoga pratiqué sur un tapis (ainsi on écarte les yamas, niyamas…).

Que veut dire yoga ?

Parmi les définitions du yoga on retrouve souvent une définition moderne et occidentalisée (et pas du tout ancienne !) « unir le corps et l’esprit ».

Selon les époques et les textes, le mot yoga n’a pas la même signification.

Au temps des Védas, textes les plus anciens il peut vouloir dire “l’attelage du char », « la mise en marche », « le véhicule » puis « le truc », « le mélange », « le stratagème ». Idée du mouvement (terme opposé : Ksema : station, repos, abri). : unir, séparer, joindre, truc.

Sources : Marie Kock, histoire moderne du yoga

Bien que, pour illustrer le yoga aujourd'hui, on va d’abord montrer des postures, les postures n’ont pas toujours fait partie du yoga !

Où est la spiritualité ? 

Sur l’aspect spirituel (esprit / mental), le yoga est formidablement riche pour prendre soin de son mental.

On pense rapidement à la méditation reconnue comme outil pour la santé mentale. Cependant le « yoga fonctionnel » n’en parle quasiment pas… Si on revient sur la définition de l’union du corps et de l’esprit, il y a bien un élément du yoga qui réunit les 2 : le pranayama !

Il est reconnu scientifiquement qu’à travers le souffle, on peut abaisser le stress délétère pour le corps physique et pour le corps mental.

Comme pour la méditation, on regrette de ne trouver aucune information spécifique à cette approche. On comprend alors que le yoga fonctionnel s’arrête à une définition purement physique et posturale.

Les postures de yoga fonctionnel seraient pensées pour entretenir les fonctionnalités de notre corps ?

Entretenir la fonction de chaque partie du corps

Le yoga fonctionnel n’est pas une approche qui veut entretenir notre corps dans sa globalité mais qui se concentre sur nos muscles et articulations en particulier.

Ici on boycotte l’étude des fascias, du système nerveux, de la palintonicité et l’intégration structurelle. 

A travers les postures, le yoga fonctionnel cherche à entretenir sainement la fonction de chaque partie de notre corps, comme notre main par exemple.

Il est alors nécessaire de se demander à quoi servent nos mains ? Par exemple. 

Elles servent principalement à la préhension, la manipulation, le toucher fin et subtil mais aussi la communication (parler avec les mains comme les italiens)…

Comment le yoga peut-il nous aider à cette fonction ?

Certains exercices, autour de postures, peuvent accompagner au maintien, voire au développement de la mobilité des articulations de la main.

Si on réfléchit aux mains en yoga, on pense rapidement à la planche et ses variations ou bien encore à l’équilibre sur les mains qui induisent une forte pression au niveau de la base de la main et articulation du poignet.

Parfois, à travers cette dernière posture, on pousse la flexion du poignet au-delà de 90°.

Est-ce fonctionnel de chercher à mettre nos mains à l’épreuve de notre propre poids, même de manière partielle, qui plus est avec une potentielle très grande amplitude de mouvement au niveau du poignet ?

De même, si on pense à la posture sur la tête, qui n’a rien de fonctionnel. 

Le yoga dit fonctionnel garde ces postures…

Cette approche du yoga semble alors pousser notre corps à ses limites pour le stimuler à aller plus loin. Ce qui n’est une bonne chose pour progresser. 

Mais une fois dit cela, au final, le yoga fonctionnel n'apparaît pas comme une approche qui démarre des fonctionnalités de notre corps.

Le yoga fonctionnel n’a-t-il pas plutôt comme point de départ la posture adaptée aux fonctions du corps plutôt que les fonctions du corps accolées aux postures ?

Un yoga qui s'adapte à nous, et pas l’inverse. Mais ce n’est pas déjà la règle ?

Si on en revient aux diverses définitions du yoga fonctionnel résumées en introduction, il semblerait bien que le yoga fonctionnel se veut être une approche posturale faite en conscience de la différence de chacun sans rechercher une posture « coûte que coûte » mais en comprenant et en respectant notre corps.

Mais n’est-ce pas l’approche que tous les professeurs et élèves de yoga devraient avoir ?

J’espère que tu te reconnais dans cette définition - mais peut-être que tu penses à une pratiquante d’Ashtanga par exemple où le suivi strict de séries ne laisse que peu de latitude - pour autant si l’engagement musculaire est bien réfléchi et que certaines postures sont légèrement adaptées, ce yoga n’est pas forcément l’opposé du yoga fonctionnel.

A bien y réfléchir, l’approche dite fonctionnelle du yoga postural devrait tout simplement être la règle.

Toute pratique de yoga doit être un équilibre entre la réflexion de l’esprit et le ressenti du corps.

Mais pourquoi cette notion de yoga fonctionnel a eu un tel essor ?

Le mot “yoga” ou “bien-être” seraient galvaudé ?

Revenons-en à notre point commun : nous cherchons une pratique de yoga pour soi et pour les autres qui nous apportent du bien-être, de manière durable.

Le yoga postural, tel qu’il peut être communiqué, semble parfois relever davantage du contorsionnisme, que d’un corps en bonne santé « physique », soit fonctionnel.

De plus, nous avons tous vécu ou entendu parlé de blessures pendant une séance de yoga.

A bien y songer, cette mouvance de yoga fonctionnel semble surtout :

  • répondre à cette peur de se faire mal

  • en réaction d’un ras le bol de cette communication de postures de yoga extrêmes.

Ne serait-ce pas à nous professeurs et influenceurs de yoga à nous interroger sur l’image que nous renvoyons du yoga ?

Que cherchons-nous à travers le yoga et comment le diffuser ?

Nous avons certainement plus à transmettre qu’une posture réussie…

Par exemple, peut-être devrions-nous communiquer davantage sur l’estime de soi à réussir une posture que nous n’arrivions pas aborder auparavant et sur laquelle nous trouvons de l’aisance avec le temps ?

Nous avons tous une responsabilité pour faire rayonner un yoga fonctionnel par définition, en essayant de ne pas céder aux sirènes des postures « wahou ».

Où devons-nous mettre le curseur d’une photo de yoga versus « gymnaste » ?

Chacun trouvera midi à sa porte, à garder en tête pour sa propre communication visuelle : si une posture ne peut pas être tenue plusieurs secondes avec le sourire, alors c’est qu’elle ne semble pas encore adaptée pour toi !

Est-ce que l’adjectif « fonctionnel » n’est pas le terme le plus efficace pour les novices ?

Si nous nous souvenons de notre première séance de yoga et plus particulièrement le choix que nous avons fait pour aller à une séance, nous avons dû nous gratter la tête pour comprendre ce que nous souhaitions tester parmi le Kundalini, le Yin, l’Iyengar, le Vinyasa…

Alors qu’une dénomination de « yoga fonctionnel » est bien plus efficace surtout quand on sait que nombre d’élèves viennent pour répondre à des maux physiques : le mot « fonctionnel » est bien plus explicite que Hatha par exemple.

Mais, on se fait que 1/3 du yoga dans ce cas. On parle d’une pratique d’Asanas, étants mis de coté les aspects plus spirituels, la méditation, le pranayama. 

Ne devrions-nous pas simplifier notre manière de parler du yoga ?

Par exemple, renommer Yoga Nidra en yoga du sommeil : serait-ce un raccourci insultant ou une manière d’attirer davantage d’adeptes ? Ce choix de « franciser » les spécialités de yoga pourrait éviter des écueils tels que le yoga hormonal qui par définition est un pléonasme puisque tous les yogas ont pour but de réduire le stress et donc de réguler notre système hormonal.

Ou au contraire ? Arrêter de vouloir coller une étiquette ? 

Prouver la énième méthode ?

Un yoga quelque chose ? 

Pourquoi le yoga a t-il besoin de se définir ? 

Réflexion dans le prochain article by Anne-Julie.

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