SVP, adoptons un discours responsable sur le métier de prof de yoga

Hier, je suis tombée sur une vidéo TikTok (sans faire une fixation sur LA vidéo en question car celle-ci est une parmi tant d’autres). Une jeune professeure de yoga y partage sa “journée de typique depuis qu’elle est prof de yoga”, rythmée par une pratique tranquille à la maison, un cours donné dans un lieu de rêve, une balade au soleil, un déjeuner en terrasse, un petit café, un peu de musique, finir la journée à la salle de sport... et puis, voilà, sa journée est terminée. Une journée “de prof de yoga”.


Sauf qu’il y a un problème : ce que cette vidéo montre n’a rien à voir avec la réalité du métier de professeur de yoga. Et en tant que formatrice, je me dois de remettre les choses à leur place.

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I. La réalité du terrain quand on enseigne le yoga à part entière : journées morcelées, transports constants et fatigue accumulée

Enseigner le yoga, ce n’est pas commencer sa journée à 11h30 dans un lieu idyllique. C’est souvent se lever à 6h du matin pour donner un premier cours à 7h. C’est traverser la ville plusieurs fois par jour : un cours le matin, un autre à midi, un particulier l’après-midi, un studio en soirée. Et entre chaque cours, il faut gérer les trajets, le matériel, la communication, les inscriptions, l'accueil, les réponses aux élèves, l’administration… 

Manger ? Compliqué. On grignote dans les transports, on mange froid sur un banc, ou on saute le repas faute de temps. Il est rare de pouvoir s’asseoir chez soi à midi pour savourer une assiette équilibrée, comme le montre la vidéo. L'alimentation devient logistique, parfois même secondaire, alors qu’elle devrait être une source d’énergie essentielle pour tenir sur la durée.

La majorité des professeurs indépendants travaillent en horaires décalés : tôt le matin, entre midi et deux, le soir, les week-ends, les jours fériés, pendant les vacances scolaires. On enchaîne 3 à 5 heures de cours par jour, souvent sans vraie pause. 

À cela s’ajoute l'épuisement physique - tout le monde n’a pas la condition physique d’un marathonien - et mental de devoir constamment s'adapter aux lieux, aux élèves, aux contraintes de temps.

Je parlerai de l’argent plus tard… 

II. Une image idéalisée qui dévalorise le métier d’enseignant de yoga

Le vrai problème de cette vidéo, ce n’est pas qu’elle montre une journée douce et agréable. C’est qu’elle est présentée comme une journée type dans la vie d’une prof de yoga, alors qu’elle ne reflète ni l’effort, ni l’engagement, ni la réalité économique du métier.

Ce genre de contenu contribue à entretenir une vision complètement faussée de la profession : on fait croire que c’est un hobby de luxe, un métier loisir, une reconversion “bien-être” sans exigences, ni contraintes. On efface l’exigence physique, la charge mentale, la capacité d’adaptation, les compétences pédagogiques, l’endurance émotionnelle et l’énergie entrepreneuriale qu’il faut pour tenir sur la durée.

On efface aussi le fait qu’enseigner le yoga est un métier, pas un passe-temps.

Car être professeure de yoga indépendante aujourd’hui, c’est aussi être cheffe d’entreprise. C’est savoir gérer un planning, une comptabilité, des déclarations administratives. C’est maîtriser la communication, le marketing, la création de contenus, les outils numériques. C’est négocier avec des studios, créer des offres cohérentes, organiser des ateliers - parce qu'il faut toujours quelque chose de renouveau, d'incroyable, de sensationnel pour satisfaire la clientèle parisienne - établir des factures, gérer les relances. C’est connaître son marché, structurer ses prix, prendre des décisions stratégiques pour survivre économiquement. Il ne suffit pas de savoir enseigner. Il faut aussi savoir vendre, gérer, anticiper, planifier. Et cela demande des compétences multiples, rarement évoquées dans les vidéos virales.

On efface donc, à travers ce type de contenu, le fait que le yoga est un métier à part entière, exigeant, complexe, qui demande un engagement total. Pas un simple passe-temps reconverti en contenu lifestyle.

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III. Un mirage dangereux pour les futures professeures

Et c’est là où cela devient potentiellement dangereux. Car ce type de vidéo ne se contente pas de montrer une journée agréable : il fait rêver. Il donne envie de “tout quitter” pour “vivre du yoga”, comme si enseigner le yoga était une reconversion facile, paisible, lumineuse, évidente.

Mais lorsqu’on entre en formation, puis dans la réalité du terrain, le choc est souvent brutal. Les futures professeures découvrent une réalité marquée par la précarité, l’instabilité des horaires, une concurrence intense (notamment dans les grandes villes), un manque de reconnaissance du métier, et une pression constante à devoir tout gérer seules.

Je forme chaque année des dizaines de femmes, et j’ai fait le choix d’adopter un discours responsable. Je ne leur vends pas un rêve. Je leur donne les outils pour affronter la réalité. Et elles me remercient chaque jour de cette honnêteté. À l’inverse, beaucoup de jeunes professeures issues d’autres formations me confient qu’elles ont commencé leur 200h avec cette image faussée de la vie de prof : plus connectée à la mer qu’à la réalité administrative. Leur formation ne les a pas préparées à ce que ce métier exige réellement. Elles ont pris de plein fouet la charge de travail, l’isolement, la difficulté à créer une activité viable sans accompagnement solide.

C’est pour cette raison que j’ai renforcé cette année le module “Business du yoga” où les élèves devront se pencher sur ces questions : leur projet professionnel, faire une petit l’étude de marché, poser une problématique sur le métier, définir un positionnement, réfléchir à la définition des prix, savoir faire une projection financière et maîtriser au moins une outil de gestion (excel par exemple). 

Parce que si l’on veut que les professeures réussissent et durent, il faut les former sérieusement. Pas les laisser rêver sans préparation — mais aussi pour que le niveau de professionnalisme dans ce métier augmente enfin, et qu’il soit reconnu à la hauteur de ce qu’il exige vraiment.

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IV. Yoga et argent, le grand tabou

La vidéo ne parle évidemment pas d’argent. Mais soyons honnêtes : la “vie de rêve” que l’on montre sur Tik Tok est accessible uniquement si l’on n’a pas besoin de payer ton loyer ! Peut-être parce qu’on vit encore chez ses parents. Peut-être parce qu’on est en couple avec quelqu’un qui prend en charge le loyer, les factures, la sécurité financière. Dans ces conditions, oui, on peut s’offrir le luxe de vivre le yoga comme un petit hobby valorisant.

Mais alors, il faut être clair : peut-on vraiment se dire “professeure de yoga” professionnelle ? Ou doit-on assumer qu’on est plutôt dans une pratique personnelle, ponctuelle, non contrainte par les réalités économiques ? Ce n’est pas un jugement, c’est une question de cohérence. Car on ne peut pas à la fois se présenter comme professionnelle et ignorer tout ce que cela implique, et “travailler” une heure par jour.

Parlons chiffres. Un·e professeur·e de yoga gagne en moyenne 37,50 € nets de l’heure (et encore, je suis généreuse), une fois les revenus déclarés. Et ce tarif horaire ne tient pas compte des frais annexes : assurance professionnelle, cotisations, déplacements, matériel, communications, locations de salle. À cela s’ajoute une réalité incontournable : pas de congés payés, pas de treizième mois, pas de sécurité. Et bien sûr, les formations, souvent longues et coûteuses, ne sont jamais remboursées. Sans parler du temps invisible : préparation de cours, gestion des plannings, suivi des élèves, communication, administratif… tout cela n’est jamais compté ni payé.

Alors si tu es seule, indépendante, responsable de tes factures, de ton loyer, de ta retraite, de ton avenir, non, tu ne vis pas comme dans cette vidéo. Pour générer un revenu viable, tu dois enseigner tous les jours, parfois plusieurs fois par jour, dans des lieux différents. Tu dois te former à l’entrepreneuriat, à la gestion, à la stratégie. Tu es à la fois pédagogue, gestionnaire, communicante, comptable, créatrice de contenus et cheffe de ton entreprise.

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V. Quel modèle veut-on transmettre  dans notre métier ?

Ce que je remets en question ici, ce n’est pas une personne. C’est un système. Une culture numérique qui pousse à faire croire que tout est simple, fluide, joli. Que ce métier est accessible sans travail. Que l’on peut “vivre du yoga” sans se lever tôt, sans se former, sans s’essouffler dans le métro.

Mais on ne rend service à personne en diffusant ce genre d’image. On ment aux jeunes femmes qui veulent se reconvertir. On fait croire qu’il suffit d’un tapis, d’un compte Instagram et d’un peu de musique relaxante pour construire une vie stable. Et surtout, on dénature un métier profondément exigeant, qui mérite reconnaissance, rigueur, et engagement.

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Conclusion

En tant que formatrice, je me dois de dire la vérité. Ce métier est beau, mais difficile. Il ne s’improvise pas. Il ne suffit pas d’aimer le yoga pour en faire un métier. Il faut des compétences, une structure mentale solide, une éthique de travail, et une grande capacité d’adaptation.

Si tu envisages cette voie, ne te laisse pas tromper par les paillettes numériques. Viens t’informer. Viens te former sérieusement. Tu ne seras pas seule. Mais tu auras besoin de tout, sauf d’une illusion.

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